Suivez le guide…

Musée-Aquitaine-Abilympics

« Je préfère qu’on se rappelle d’un beau tableau, des vieux bateaux, et pas du guide non-voyant. »

Pourtant, on se souviendra longtemps de lui, ne lui en déplaise.

 

Lui, c’est Nicolas Caraty, premier (et seul !) guide non-voyant employé permanent d’un musée en France.

Guide-conférencier au Musée d’Aquitaine de Bordeaux depuis plus de 10 ans, il connaît toutes les salles sur le bout… de sa canne ! À le voir déambuler dans les différentes parties de l’exposition permanente, on jurerait qu’il y voit aussi bien que nous. Rebondissant sur les questions des visiteurs, il explique en détail chacun des tableaux et objets présentés. Sa mémoire est impressionnante !

« Au début, il m’a fallu environ 3 mois pour mémoriser les parcours. Il n’y avait pas à proprement parler de méthodologie pour apprendre le métier. Maintenant, il me faut moins de 3 semaines. Il y a des expositions plus faciles à retenir que d’autres. Pour certaines, je pourrais presque refaire la visite dès la première fois ! »

Pour appréhender les différentes expositions, il a bien entendu recours à sa mémoire phénoménale, mais aussi à des outils technologiques très utiles. Scanner, plage braille, ordinateur vocalisé, autant d’innovations qui lui permettent d’en apprendre plus sur les œuvres, les époques, et d’effectuer ses recherches.

Lorsque les objets ne sont pas trop fragiles, il demande à faire ouvrir les vitrines pour toucher, s’approprier les artéfacts. Ses collègues lui décrivent les tableaux et illustrations plusieurs fois jusqu’à ce qu’il les connaisse par cœur.

Une visite comme une autre

Dans le cadre de notre série sur l’emploi et le handicap, nous nous devions de rencontrer Nicolas Caraty ! C’est donc accompagnés d’une classe de CM1/CM2 que nous partons à la découverte du musée d’histoire et d’ethnographie de Bordeaux. Loin d’être impressionnés, les écoliers oublient très vite le handicap de Nicolas. Il est vrai que ce n’est pas la première fois qu’ils se rencontrent.

« Moi, ça ne me dérange pas du tout qu’il soit aveugle. Tant qu’il est gentil, qu’il explique bien, c’est tout ce qui compte. Il fait bien son travail et il est intéressant ! » déclare Louise, du haut de sa dizaine d’année.

L’opinion de l’écolière semble partagée par tous. Avant de commencer, les règles sont établies : pour prendre la parole, inutile de lever la main, et on reste toujours derrière  Nicolas pour dégager le passage devant lui.

Ces quelques recommandations faites, tout le monde suit le guide…

Premier arrêt, premières questions. On aperçoit alors des petites mains se lever comme un réflexe bien acquis de l’école. Mais bien vite, les échanges se font spontanés, les questions se posent, sans gêne.

« Et là, en haut à gauche, il y a quoi sur le tableau ? Et ici, c’est qui le monsieur sur le portrait ? »

 

Interrompu mais jamais déstabilisé, Nicolas Caraty peut répondre à chacune de leurs interrogations. Tout comme les enfants, nous oublions très vite la différence, emportés avec eux dans le Bordeaux du XIXe siècle.

« Parfois, le handicap prend plus de place. On sent que ça parasite l’échange. Surtout chez les plus petits qui sont plus impressionnés. Alors, je prends 15 minutes au début pour parler handicap et différence. Après, on peut parler silex et vieux cailloux. Et au bout d’un quart d’heure, je suis redevenu un guide tout à fait normal »

Une chose est sûre, pour ces enfants de la génération de la loi de 2005 (sur la scolarisation des enfants handicapés au milieu ordinaire), le handicap n’est plus un obstacle. Ils tiennent facilement compte des limites de notre guide, mais sans éprouver la moindre réticence à entrer en communication avec lui.

Voyez vous même ce que les enfants ont retenu de leur visite…

 

Le musée, un lieu pour explorer différemment

Depuis l’arrivée de Nicolas Caraty, le Musée d’Aquitaine a développé plusieurs programmes pour des publics particuliers.

« On organise plusieurs visites thématiques, sur le corps notamment. On reçoit des groupes qui viennent d’hôpitaux de jour, soignés pour anorexie par exemple. On travaille alors sur la perception du corps selon les époques, les régions du monde. Certains groupes sont des traumatisés crâniens, des non-voyants, des malentendants. Finalement le musée, ça sert à explorer les cinq sens. Beaucoup plus que l’on ne croit. »

« Quand on trouve une idée ou une technologie qui peut aider les visiteurs atteints de handicap, on n’hésite pas à partager avec les collègues des autres musées. Si on peut faire avancer les choses et améliorer l’accessibilité, c’est ce qu’on veut. »

N’oubliez pas le guide !

C’est la tête remplie de belles images du XIXe que nous quittons notre guide. Nous n’oublierons certainement pas Nicolas Caraty. Pour sa passion contagieuse de l’Histoire, pour son sourire, et surtout pour sa grande compétence. 


En plus d’une véritable démonstration des capacités de travail des personnes en situation de handicap, cette matinée au musée nous a permis d’être les témoins privilégiés de la réussite de l’intégration du handicap en milieu scolaire.

Il y a de ces journées qui vous laissent entrevoir qu’on est dans la bonne direction !

Merci au Musée d’Aquitaine de nous avoir ouvert ses portes. Merci à Nicolas Caraty pour sa générosité.

Merci aussi aux élèves de nous avoir laissé partager la visite avec eux et… d’avoir lancé le haka des métiers organisé le lendemain au Miroir d’eau !

 

 

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