Handicap et études : itinéraire d’un “enfant buté”

Jean-Massonnet

« Il est hors de question que ma jambe ait un quelconque impact sur mon parcours, sur ma vie. »

Ces jours-ci, c’est sur les bancs d’école de l’INSEEC Bordeaux que vous trouverez Jean Massonnet, étudiant de Master en Communication. Entre travaux de fin d’année et franches rigolades avec ses collègues, Jean ne laisse rien paraître de sa « différence ».

Pourtant, depuis ses 2 ans, Jean est atteint de pseudarthrose congénitale osseuse. Cette maladie orpheline s’attaque aux os longs, les empêchant de se consolider. De fractures en greffes osseuses, d’hospitalisations en convalescence, Jean a eu une enfance des plus atypiques.

Une scolarité handicapée

Son parcours scolaire en a souffert. Avec une moyenne de 9 à la fin du CM1, les études semblaient mal engagées. On lui a alors proposé de redoubler son année mais il a refusé catégoriquement.

« Heureusement, un professeur de CM2 m’a fait confiance et a accepté de me prendre dans sa classe. J’ai fini avec 14 de moyenne ! »

Les années collège et lycée ont également été entrecoupées d’hospitalisations.

« J’avais en moyenne 2 opérations par an. »

Rapidement, comme pour tous les enfants de son âge, le choix d’orientation de carrière s’est posé. Il a dit « École de Commerce ! » on lui a répondu « CAP ? ». Refusant de se faire enfermer dans un parcours scolaire court, il a tenu tête.

Après une licence en Science de gestion, il a intégré le Master de l’INSEEC par la voie normale.

« J’aurais pu utiliser mon statut de personne handicapée mais j’ai refusé. Pour quelle raison on m’octroierait des droits particuliers ? Je ne veux pas être jugé pour mon handicap, je veux qu’on me juge pour ce que je suis et je ne suis pas mon handicap. »

Un caractère bien trempé

Malgré une apparente insouciance, Jean a une détermination à toute épreuve. De son handicap, il a tiré une force de caractère impressionnante.

« J’ai décidé que mon handicap ne changerait rien à ma vie. Quand on prend des décisions en fonction de ça, tout accumulé, ça devient franchement lourd. Le choix des vêtements, des activités, des déplacements, c’est pénible. Alors j’ai plutôt choisi de me dépasser. »

Des exemples ? Adolescent, le lendemain d’une opération, il décide de monter sur scène pour assurer son rôle dans une pièce de théâtre, improvisant pour l’occasion, une canne à son personnage. À 19 ans, contre l’avis de tous, il entreprend le Rallye 4L dans le désert marocain!

« Mon handicap, je le prends comme une force, il a forgé mon caractère. Je pense aussi qu’il est à l’origine du choix de carrière de ma sœur. Elle est infirmière pour les enfants. Finalement, je préfère garder le bon côté. »

La case Handicapé, très peu pour lui !

D’après la MDPH, il est classé dans la catégorie Handicapé à 59-79%.

« Au delà, ce sont les handicaps mentaux ou les tétraplégiques. Quand on te dit ça, ça calme ! On a l’impression de devoir entrer dans des cases qui ne conviennent pas nécessairement. »

Quand on évoque l’administration et les aides liées au statut de personne handicapée, sa réaction, c’est un grand éclat de rire qui ne laisse rien présager de bon. Parti de chez ses parents depuis 2 ans, il attend toujours que son dossier passe de la case « enfant handicapé » à « adulte handicapé ». Depuis ce temps, il ne touche plus d’allocation, il n’a toujours pas sa carte de stationnement prioritaire. Les démarches à faire pour régulariser sa situation le découragent un peu.

« Franchement, ce statut, ça me handicape plus qu’autre chose » dit-il en rigolant.

« Les aides financières, c’est bien, mais il y a tellement d’autres façons d’aider. Changer le regard des gens, ce serait déjà mieux. »

Il fait référence, dit-il, à ces parents qui interdisent à leurs enfants de regarder les personnes en chaise roulante, de poser des questions. Refuser de confronter ces enfants à la différence, c’est créer une distance, laisser les handicapés à part, selon lui.

« Au contraire, à la limite, je préférerais que le parent vienne voir la personne, engage la conversation, lui demande ce qui lui est arrivé, essayer de comprendre plutôt que de détourner le regard. Mais c’est pas prêt d’arriver ! »

 

La discrimination positive ? Pas convaincu…

« Forcément, je ne peux pas me mettre à la place de tous les types de handicap, il y a sûrement des gens qui ont besoin de plus d’aide mais je trouve que la discrimination positive, c’est aussi néfaste que l’inverse. »

Le point de vue de Jean semble partagé par un grand nombre de personnes handicapées. Ne pas être réduit à son handicap. Être évalué sur ses compétences uniquement. Cette réflexion est récurrente.

« Si t’es bon, t’es bon, si t’es pas bon, t’es pas bon ! Le handicap n’a rien à voir là-dedans. Mais c’est sûr que l’école, ça change tout. J’ai toujours tenu à faire ma scolarité normalement, ça aide. »

Y a-t-il une façon de concilier cette demande de reconnaissance pour ce qu’ils apportent réellement à l’entreprise et un coup de pouce parfois nécessaire pour inciter à l’embauche de personnes handicapées ?

Dans le cas des handicaps de naissance, la problématique de l’employabilité ne se situe pas plutôt au niveau des études et non pas au niveau de l’entreprise ?

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